mardi 30 décembre 2008

Une photo, un jour

Dimanche 28/12/2008





Une photo, un jour

Samedi 27/12/2008





Une photo, un jour

Vendredi 26/12/2008


vendredi 26 décembre 2008

Une photo, un jour

Jeudi 25/12/2008


Une photo, un jour

Mercredi 24/12/2008




N'est-elle pas photogénique cette station ?
Une photo, un jour

Mardi 23/12/2008


lundi 22 décembre 2008

Une photo, un jour

Lundi 22/12/2008


Tirage à la ligne

sur la base de 4 3 4 2 3 4 1 2 3 4


Compte à rebours

Quentin regardait le large par la grande baie vitrée. Travailler pour l'armée lui avait permis de survivre jusqu'ici, mais toujours obéir aveuglement aux ordres avait également son mauvais côté si on voulait utiliser l'ultime euphémisme ou encore la litote finale. Quantativement parlant, il avait vécu plus longtemps que la plupart des autres êtes humains, qualitativement c'était une toute autre histoire.
Depuis le premier jour, il savait qu'ils avaient choisi la pire des solutions. Trouver que réunir tous les derniers survivants au sommet de l'Himalaya lors du Déluge était une bonne idée n'était pas forcément idiot, en théorie. Quelles étaient les chances qu'il continuât de pleuvoir après le 40ème jour, noyant les terres, les ruisseaux, les fleuves et les océans ?
Uniformément verte, la mer érodait inlassablement les dernières falaises qui séparaient l'humanité de l'extinction définitive. Désormais il en était certain: les dieux n'étaient que des gamins capricieux qui finissaient toujours par casser leurs jouets. Traumatisme remontant à son enfance, il n'était pas certain que conclure l'aventure humaine sur cette note n'était pas exactement la conclusion la plus pertinente. Querelles stériles et sans fondement semblaient être la définition de l'humanité, il n'étaient pas si différents des dieux en définitive.
Une photo, un jour

Dimanche 21/12/2008




Un sapin, avant.

dimanche 21 décembre 2008

Ami Filou causant à Ami Piaf Noir.

Ami Piaf Noir, sur un tronc avachi,
Avait dans son minois un cantal.
Ami Filou, par son parfum alanguit,
Lui tint plus ou moins un gazoullis.

"Ah, bonjour mon copain Piaf Noir.
Toujours aussi charmant, toujours sortant rupin !
Sans bobard, ton chant
Rivalisant à ta plumaison:
Un vrai Paragon habitant nos bois."

Saisissant tout ça, Piaf Noir piailla, satisfait;
Alors pour offrir son bon ton,
Il ouvrit son grand minois, laissant choir son butin.

Ami Filou l'attrapa puis dit: "Mon bon copain,
Pour tout savoir du complaisant
Il vit aux frais du satisfait:
Un savoir si capital vaut un cantal, sans vacillation."

Piaf Noir, avilli puis confus
Jura, mais un grain tard, d'y avoir l'iris.

Une photo, un jour

Samedi 20/12/2008




Lectures en cours.

samedi 20 décembre 2008

Tirage à la ligne 

sur la base de
1
2 1 2
3 2 3 1 2 3


Compte à rebours

Uniformément verte, la mer érodait inlassablement les dernières falaises qui séparaient l'humanité de l'extinction définitive.


Compte à rebours

Depuis le premier jour, il savait qu'ils avaient choisi la pire des solutions. Uniformément verte, la mer érodait inlassablement les dernières falaises qui séparaient l'humanité de l'extinction définitive. Désormais il en était certain: les dieux n'étaient que des gamins capricieux qui finissaient toujours par casser leurs jouets.


Compte à rebours

Travailler pour l'armée lui avait permis de survivre jusqu'ici, mais toujours obéir aveuglement aux ordres avait également son mauvais côté si on voulait utiliser l'ultime euphémisme ou encore la litote finale. Depuis le premier jour, il savait qu'ils avaient choisi la pire des solutions. Trouver que réunir tous les derniers survivants au sommet de l'Himalaya lors du Déluge était une bonne idée n'était pas forcément idiot, en théorie. Uniformément verte, la mer érodait inlassablement les dernières falaises qui séparaient l'humanité de l'extinction définitive. Désormais il en était certain: les dieux n'étaient que des gamins capricieux qui finissaient toujours par casser leurs jouets. Traumatisme remontant à son enfance, il n'était pas certain que conclure l'aventure humaine sur cette note n'était pas exactement la conclusion la plus pertinente.
Une photo, un jour

Vendredi 19/12/2008





Ok, là y'en a deux.

vendredi 19 décembre 2008

Une journée de boulot à peine romancée.


La Grande Geste de la Mini-Epopée du Royaume de Scanya

 

 

Chef descendit de son destrier blanc. La chaleur moite du matin faisait briller sa peau d'opale presque totalement découverte dans sa tenue de voyage: un bustier de cuir décoré de deux ailes élégamment disposées sous les seins et deux serpents entrelacés descendant vers le nombril sur une jupette plissée, elle aussi en cuir, tenue par une ceinture de la même matière avec une boucle d'argent en forme de chouette. A cette ceinture était accrochée une longue épée dans un fourreau de bois serti d'améthystes et à la garde d'argent parsemée de perles.

Mettant pied à terre sur la terre battue en face du palais Chef se dit que, décidément, elle ne pouvait accorder sa confiance à personne et que cette idée de déléguer à d'autres ce qu'on pouvait très bien accomplir soi-même, et souvent bien mieux maintenant qu'elle y pensait, était vraiment une lubie d'Empereur n'ayant vraiment rien d'autre à faire de ses journées. Si lui avait le temps de reprendre les erreurs des autres, elle avait déjà suffisamment à faire comme ça sans ajouter l'incompétence crasse de ses subalternes. En parlant de ces incapables, elle les voyait au loin, peinant à la rejoindre alors qu'ils étaient partis en même temps. Elle secoua la tête de désolation les observant trottant cahin caha sur leurs mules bien plus courageuses qu'eux. Comment l'Empereur pouvait lui demander d'obtenir des résultats avec une telle bande d'imbéciles, cela la dépassait. Enfin non puisque l'Empereur lui-même en était un, et pas des moindres. 

Elle attendit donc patiemment qu'ils daignent enfin arriver pour pouvoir s'atteler à la tâche pour laquelle elle était venue jusqu'ici. Il lui avait fallu traverser la Plaine de la Désolation, lieu où les habitants disparaissaient 3 jours sur 5 pour réapparaître comme si de rien n'était alors qu'ils s'évanouissaient lorsqu'on avait besoin d'eux, puis gravir les Montagnes Perpétuelles où on avait l'impression d'une montée sans fin même lorsqu'on les descendait. Ce voyage la fatiguait, non pas physiquement au vu de sa condition physique hors du commun, mais moralement car elle devait le faire bien plus souvent qu'elle ne le devrait si elle pouvait se fier à ceux qui avaient, en théorie, la régence du Royaume de Scanya. Mais elle ne pouvait se laisser aller à ce genre de sentiment car le sort de l'Empire reposait une fois de plus sur elle. Mais c'était une tâche difficile que de ne pas sombrer dans le découragement le plus extrême lorsqu'elle voyait l'équipe qui lui avait été imposée: ils étaient trois mais ne comptaient même pas pour une demi-mule. Le plus en avant était Manières: il se tenait en amazone sur sa monture et faisait de grands gestes mous des mains en poussant de petits cris d'orfraies pour chasser de menus insectes qui lui tournait autour. Chef détourna les yeux de ce sinistre spectacle non pas pour cette raison, elle en avait hélas l'habitude, mais à cause du soleil qui se reflétait sur son crâne chauve et rougi. Elle le regretta presque aussitôt car derrière ce premier spécimen se trouvait Catastrophée. Comme à son habitude, elle avait un air conjuguant la panique et la résignation peint sur son visage. Elle avait porté ses deux main à sa bouche ouverte comme un grand cri muet et jetait des regards inquiets autour de sa personne de ses grands yeux où se reflétaient à peine l'intelligence d'un perchiste dont Manières collectionnait les gravures. Enfin, fermant la marche (si on était assez clément pour parler de marche le désordre dans lequel ils avançaient), Bouchée. Non qu'un quelconque mâle aurait eu le moindre désir de la croquer à pleines dents, c'est juste qu'elle ne comprenait pas lorsqu'on lui parlait. Oui, certes, aucun d’eux ne pouvait comprendre Chef du premier coup tant sa pensée était synthétique et précise, bien au delà de ce qu’ils pouvaient espérer atteindre un jour. Combien de fois avait elle dû répéter encore et encore les choses les plus basiques comme l'
Art de la guerre dont elle avait réussit pourtant à tirer la substantifique moelle sous la forme de 145 haïkus aux mots simples qu'ils leur suffisait d'apprendre pour devenir, une fois dans leur misérable vie, efficace à quelque chose. Non, Bouchée était d'une toute autre trempe: plus on lui expliquait, plus elle s'enfermait obstinément dans ses erreurs, avec un entêtement qui laissait pantois. Ce qui expliquait pourquoi elle était la dernière. Elle montait sa mule à l'envers. Tête en bas sur la selle. Elle soutenait que c'était ce qu'il y avait d'écrit dans le Huitième Parchemin de Cavalerie (réécrit entièrement par Chef le semaine d'avant car elle avait délégué cette section à Absence qui avait utilisé une plume de jars en lieu et place d'une plume d'oie ce qui n’allait donc pas) et personne n'avait réussit à lui en faire démordre. Sentant qu'elle ne pourrait lui expliquer son erreur sans en recourir à la force, Chef l'avait laissée faire comme elle l'entendait, c'est-à-dire mal. Réprimant un soupir de dégoût, Chef essaya d'y voir un point positif. Au moins, l'Empereur ne lui avait pas imposée Pénitences qui aurait ralenti tout le monde à louer tous les dieux de l'Empire et même au delà. Le trio arriva enfin à la hauteur de Chef qui ne se donna même pas la peine de montrer son mécontentement, autant vider la Mer des Tourments avec une passoire.

Chef entra dans le palais aux formes arrondies et se dirigea tout droit dans la salle du trône où devait se trouver Messire Médocain que l'Empereur avait enlevé sans la moindre concertation à la troupe de Chef quelques semaines plus tôt. Non qu'elle le regrettait, il savait à peine se servir d'une épée et était aussi vif d'esprit qu'un ourson goinfré de miel, mais c'était la méthode qui lui avait fortement déplue. Et le fait qu'elle devait maintenant se soumettre à lui, elle qui lui avait tout appris, formé au mieux de ses limites à lui (et dieux savent qu'elles sont innombrables), prenant sur son temps, sur ses forces, sur ses ressources pour se voir déposséder de ce qu'elle avait finalement créé, sur une velléité impériale n’arrangeait pas son humeur. Et où était-il en plus ? En tout cas, pas à son poste, ce qui n'était guère étonnant. De toute façon, il ne lui aurait été d'aucune aide. Le mieux était d'aller voir où se passaient vraiment les choses, dans la salle de la Garde, là où Dame Monique, la régente mise en place par Chef à cause de cette sombre bêtise de déléguer, était censée faire en sorte que Chef n’aie pas à venir résoudre des problèmes qui ne la concernaient normalement plus si elle n’était pas à ce point cernée par l’inanité générale qui menait tout l’Empire à sa perte.

 

Dans la grande salle de la Garde tous étaient en émoi. La venue de Chef en était une raison, son charisme ravageur avait fait plier bien des envahisseurs, mais ce n’était pas la seule. Tous semblaient perdus et égarés, se cognant presque contre les murs. Au milieu se tenait Dame Monique qui essayait tant bien que mal de rediriger les troupes mais sa voix ne semblait pas porter. Et là, c’était une surprise pour Chef. La voix de Dame Monique, en temps normal, oscillait entre la meule à aiguiser les lames d’Acéré, le maître d’armes de l’Empire qui tenait son nom par le tranchant de ses épées et non pas de son esprit (comme presque la totalité de la Cour, il fallait bien l’avouer) et le cri du Loupy (nous rappelons à nos lecteurs que le Loupy est un ours mâle que l’on a tenu dans l’abstinence sexuelle la plus stricte pendant 27 ans pour le rendre fou furieux et pour constituer de ce fait un rite de passage pour les barbares de Cymérie de 6 ans qui doivent le battre à mains nues en combat singulier) auquel on enlève sa première femelle. Cette sonorité particulièrement désagréable couplée aux borborygmes mous des gardes déambulants sans but dans la salle, à Manières qui poussait toujours ses petits cris sur-aigus parce qu’il avait entrevu un papillon à 100 mètres de là, à Catastrophée disant de sa voix morne tendant vers le mort « Hi hi hi, je suis désolée mais je suis tête en l’air, hi hi hi » à un pauvre soldat dont elle avait arraché le bras en faisant un exercice avec son épée et à Bouchée qui hurlait « D’ACCORD ! » alors qu’on lui demandait comment prendre rendez-vous avec Chef, si on y ajoutait la moite chaleur des lieux tout de même assez exigus, car l’Empereur avait décidé que ça améliorerait le rendement des exercices des troupes alors que ça n’améliorait que le rendement des blessés envoyés à l’infirmerie, donnaient un début de mal de tête à Chef. Et son sens inné de l’ordre et de la discipline commençait vraiment à se révolter devant une telle débandade. Il fallait remettre tout ça en place, et vite !

 

Parer au plus pressé : faire taire Dame Monique qui, loin de calmer les soldats, ne faisait qu’ajouter à leur confusion en leur vrillant les tympans, leur faisant perdre ainsi tout sens de l’équilibre. « Qu’est ce que je veux dire… ? » n’avait elle de cesse de répéter à ces pauvres hommes qui ne pouvaient guère savoir mieux qu’elle ce qui pouvait bien se tramer dans son cortex, eux qui avaient besoin d’une Chef, une vraie, une forte, une belle, une élégante, une sage, une ferme dans ses décisions, ferme dans ses actions, ferme dans sa tête, ferme de corps, ferme dans son âme ! Oui, son âme également, car il n’y avait de Chef sans une dévotion corps et âme à sa mission. Et ça, Chef le savait : elle le vivait pleinement dans un océan de jean foutres !

« Moi je ne peux pas travailler dans ces conditions, je veux une solde plus conséquente et que mon frère mené par le bout du nez par sa femme me laisse le château familial lorsque je serai en permission car il s’arrange toujours pour aller soit avant, soit après ou soit pendant pour que je fasse tout ! Manières, Catastrophée et Bouchée, mettez-moi en rang ces soldats ! Dame Monique, dites-moi ce qui ne va pas. »

 

Et ainsi fut fait.

 Alors que les trois aides guidaient les soldats, Dame Monique expliquait les raisons de la débandade générale :

« Qu’est ce que je veux dire ?… On nous demande de faire passer les soldats par la porte mais elle est trop petite. Ils ne peuvent pas tous passer par la porte alors ils ne peuvent pas sortir faire la guerre comme on nous le demande. Et comme ils ne peuvent pas sortir, ils ne peuvent pas manger non plus parce qu’ils ne peuvent pas aller au réfectoire et donc ils sont faibles et ne peuvent pas combattre. Ce qui n’est pas grave puisque de toute manière ils ne peuvent pas tous passer la porte et que c’est pour ça que je ne peux pas les emmener faire la guerre car la porte est trop petite. Qu’est-ce que je veux dire ?… Mais l’entraînement a lieu, c’est la salle de la Garde alors ils peuvent s’entraîner, mais pas manger car il faut aller au réfectoire pour ça, mais comme ils ne passent pas tous la porte, ils ne peuvent pas un peu comme le fait qu’ils ne peuvent pas aller faire la guerre finalement ! »

A ces derniers mots, les yeux de Dame Monique s’allumèrent comme si elle avait eu une révélation, une de celles qui pouvait changer la face de l’Univers connu. Chef regarda où en étaient ses trois assistants et son sang ne fit qu’un tour !

« Moi j’en ai assez de devoir me répéter tout le temps ! C’est fatigant à la fin, il faut que je refasse tout derrière tout le monde et moi je n’en ai pas le temps ! En rang de 3 j’ai dit ! On a toujours fait comme ça, on a l’habitude de faire comme ça, comme ça tout le monde sait comment il faut faire et c’est mieux pour moi car ça saute directement aux yeux, on voit mieux, c’est plus simple ! »

Elle alla jusqu’aux soldats mis en quatre rangs de vingt et les redisposa comme il le fallait, comme on l’avait toujours fait et comme il était bon de le faire. Manières s’était mis contre le mur du fond et avait visiblement réussit à ce que Chef fasse le boulot qu’elle lui avait expressément demandé de faire. Soit ça, soit il reluquait les jupettes des soldats, on ne pouvait pas savoir avec lui tant sa fainéantise rivalisait avec ses mœurs douteuses. Catastrophée se tenait au milieu des rangs, ses deux mains portées à sa bouche sur son fameux cri muet, et bousculait les soldats à chaque fois qu’elle faisait un pas. Quant à Bouchée, elle repassait derrière Chef en hurlant « D’ACCORD » à chaque soldat repositionné selon l’orthodoxie du Quinzième Parchemin de la Garde que Chef avait réécrit cinq jours auparavant car Manières, encore lui, avait souligné les titres de chapitres alors que tout le monde savait qu’il fallait les écrire en majuscule comme pour les verbes, les adjectifs et les adverbes (ainsi que certains noms communs comme indiqué par le Deuxième Parchemin pour l’écriture des Parchemins) car comme ça, ça sautait mieux aux yeux et on voyait tout bien d’un seul coup d’œil.

« Moi je pense qu’on peut maintenant faire un essai puisque tout est comme il faut. Soldats, sortez ! »

 

La garnison de deux fois vingt-sept plus une fois vingt-six se mit en mouvement et, effectivement, ils ne passèrent pas tous la porte, seuls 4 pouvaient passer ensemble. Chef rappela ceux qui étaient sortis de la salle de la Garde et leur intima l’ordre de se remettre en rang.

« Qu’est-ce que je veux dire ?… C’est ce que je vous disais, ils ne passent pas alors ils ne peuvent pas aller à la guerre. On est dans la mouise parce que les Architectes ne pensent pas avant de construire. »

Dame Monique marquait un point. Chef avait déjà eu fort à faire avec les Architectes. Mais comme ils jouissaient d’une bien plus haute estime que les soldats, fut-on même leur Chef et eux des petits jeunes à peine sorti de leur école où ils n’apprenaient rien des contingences de la vie réelle, il fallait déployer tout un arsenal diplomatique afin d’obtenir d’eux qu’ils fassent des bâtiments fonctionnels. Pourtant, Chef avait écrit les Parchemins de l’Architecture afin de les guider dans leurs œuvres, mais il fallait croire qu’ils n’en avait que faire, que tout son travail avait été jeté aux orties comme de vulgaires rouleaux pour commodités. Ce n’était pas faute de demander des entrevues avec l’Architecte Principale pour harmoniser leurs besoins mais cette dernière ne prenait jamais le temps d’écouter Chef car elle croyait mieux savoir jouissant d’une plus haute estime. Chef attendait le jour où le Destin allait rabaisser le caquet de cette outre hautaine dont la fatuité n’avait d’égale que son ignorance crasse. Mais Chef savait aussi que même ce jour là, elle ne pourrait s’empêcher de l’aider car Chef était magnanime, bonne et miséricordieuse. Toutefois, ce jour n’étant toujours pas venu, il fallait lui mettre le nez dans ses bourdes continuelles et c’est ce que Chef allait faire de ce pas. Enfin, plutôt de celui de Bouchée.

« Moi je veux que tu retournes au Palais Impérial et que tu dises à l’Architecte Principale qu’il me faut l’Architecte Tourette pour qu’elle m’agrandisse la porte. C’est bon ? Tu m’as comprise ? »

« D’ACCORD ! »

Bouchée ne bougeait pas. Elle était toujours devant Chef, comme si elle attendait quelque chose.

« Moi je t’écris un petit mot que tu donneras à l’Architecte Principale, comme ça tu n’auras pas à lui expliquer, ce sera mieux. »

« D’ACCORD ! »

Chef pris son nécessaire d’écriture et composa :

Pauvre idiote,

Une fois de plus, et ce malgré mes nombreuses remarques et indications ainsi que mes moult conseils basés sur une expérience qui n’est plus à prouver, le bâtiment assigné à la Garde est complètement à refaire. Cette perte de temps occasionnée par vos services va nous faire perdre une guerre capitale contre nos ennemis les plus vicieux, les plus fourbes et les plus puissants. Comme d’habitude, ce seront mes hommes qui seront jugés responsables de la défaite alors qu’une bonne salle de Garde leur était nécessaire pour réussir la guerre. Toutefois, si vous m’accordez l’immense grâce de me confier l’Architecte Tourette pour que je la guide à me faire une salle de Garde comme elle se doit d’être faite (pour cela lire les Parchemins Un à Vingt-quatre de l’Architecture), je pourrai renverser la situation que vos équipes ont fort compromise.

Essayez d’être rapide et efficace pour une fois, ça me changera,

Chef.

« Moi je ne peux pas écrire correctement lorsque je ne suis pas dans mon office. Manières, viens corriger mon mot et adoucit quelque peu ma formulation, j’ai bien peur que l'impuissance intellectuelle des architectes a eu raison de mon calme. Mais on le serait à moins, d’autant plus que mes neveux ne me mandent de lettre que lorsqu’ils ont besoin d’argent. »

« Non. »

Manières s’était fendu d’un large sourire pour donner sa réponse. Il se dirigea vers Chef, prit le mot et commença à écrire à la suite.

« Moi je ne demande quand même pas l’impossible ! Là seule fois où je demande de l’aide, tout m’est refusé ! C’est pareil avec ma Mère ! Elle voit bien que c’est moi qui fait tout lorsque je vais la voir, que ce n’est pas ma sœur alcoolique qui lève un seul petit doigts pour faire à manger ou ranger la vaisselle ! Mais non, c’est toujours elle qui a le droit aux remerciements et à la commisération et moi, rien du tout alors que je me saigne aux quatre veines pour elles deux ! Qui va au marché ?! Qui épluche les pommes de terre ?! Qui coupe les bûches ?! Qui allume le feu ?! Qui tourne la cuillère dans la marmite ?! Qui met la table ?! Qui met la soupe dans les assiettes ?! Non, c’est très démotivant à la longue… »

« Non, je suppose. Voilà, c’est réécrit. Je peux retourner contre le mur du fond ? » demanda Manières en lui tendant la note.

« Moi je n’arrive pas à comprendre lorsque c’est écrit aussi gros… »

Madame L’Architecte Principale,

Nous avons besoin de la présence de l’Architecte Tourette au Palais du Royaume de Scanya afin de procéder à des aménagements de la salle de la Garde.

Merci,

Chef.

« Moi je te donne cette note, Bouchée, et tu vas me la transmettre à l’Architecte Principale. »

« D’ACCORD ! »

Et cette fois-ci, on ne sait pas trop comment ni pourquoi, Bouchée parti.

 

« Moi je ne peux pas attendre sans rien faire. Il me faut penser à une solution à donner à l’Architecte Tourette lorsqu’elle sera là. »

« Qu’est ce que je veux dire ?… Ca sert à rien, à chaque fois il faut recommencer car ils changent des trucs sans nous le dire. »

« Moi je préfère quand même leur montrer qu’on peut se débrouiller sans eux. Bon, Manières, Catastrophée et Dame Monique, réfléchissez de votre côté puis venez me dire à quoi vous avez pensé. »

« Non. »

« Hi hi hi, comment je vais faire ? Alors, je m’assoie contre un mur car c’est plus simple de penser assise et comme ça j’aurai le dos bien droit, contre le mur. C’est pour ça que je m’assoie contre un mur. »

« Qu’est ce que je veux dire ?… Il faut l’écrire sur un parchemin ? Parce que s’il faut l’écrire sur un parchemin, ça veut dire que c’est officiel et si c’est officiel ça veut dire que ça sera lu par l’Architecte Principale et ça ne fait pas partie de mes affectations que d’être lue par l’Architecte Principale, alors si je dois être lue par elle il me faut une formation. »

Chef s’était assise près de Manières et s’était coupée de l’extérieur. Confrontée à un problème insoluble, elle avait besoin de se ressourcer en elle-même et faire abstraction de la médiocrité ambiante. Cette tâche serait grandement facilité si elle avait accès à une pièce pour elle seule mais il fallait croire que c’était un luxe inaccessible pour elle alors que ceux-là même qui lui refusaient un tel luxe se l’offraient à eux bien volontiers alors qu’ils n’en avaient pas le moindre besoin. Des équipes déficientes, un matériel déficient, des bâtisses déficientes, une hiérarchie déficiente… Mais comment diables avait-elle réussi à accomplir tout ce qu’elle avait déjà fait ? Ca la surprenait elle-même. Malgré tous ces obstacles, posés par le Destin ou par la malveillance dont elle était victime car elle, bien malgré elle, attisait des jalousies injustifiées, elle était parvenue à accomplir de grandes choses. Naturellement, tout pouvait être perdu du jour au lendemain si elle n’exerçait un contrôle strict et impitoyable de ses directives. C’était épuisant et non estimé à sa juste valeur mais elle savait qu’elle devait le faire néanmoins. C’était sa croix, son fardeau, son destin. Mais personne ne devait le savoir, elle devait présenter à la face du Monde un visage serein, déterminé et confiant.

« Moi j’ai besoin de calme pour travailler, alors messieurs les soldats, mettez-vous dans un coin de la salle. Sans briser les rangs !!!!! Manières, tu vas où ? Non mais comment faire pour m’abstraire de la médiocrité ambiante si à chaque fois elle se jette en travers de mon chemin ? Ah ça, j’aurai plus vite fait de résoudre les problèmes si j’avais un bureau pour moi seule. Mais non, pas pour moi mais pour eux oui. Bravo la considération. Ils n’ont toujours pas remplacé mon porte-armes d’ailleurs. De toute façon, si la tête est pourrie, tout le reste suit. Je me demande comment j’ai réussi à faire tenir cet Empire malgré tout ce qui m’arrive. Il faut que je sois bien bonne pour continuer ainsi alors que je ne reçois jamais rien en retour. Ah ça, ils en profitent car ils savent que je ne peux pas quitter l’Empire car ma tête est mise à prix partout ailleurs ! Et à chaque fois que je demande un café sans sucre, j’ai du sucre. Heureusement que je sais qu’il faut que cet Empire perdure parce que sinon, je ne sais pas ce qu’il deviendrait. Mais je reste discrète là-dessus pour ne pas démotiver les troupes, qu’elles ne sachent pas qu’elle sont gouvernées par un Empereur incompétent et stupide. Tout prendre sur soi pour ne pas que tout parte à vau l’eau, je ne sais pas si c’est une bonne chose à faire, hein Manières ?… Tu t’en fous, c’est ça ? »

« … »

Devant le désintérêt manifeste de son adjoint, Chef, pour ne pas succomber à une bouffée de violence somme toute compréhensible au vu des circonstances, décida de se reconcentrer sur le problème immédiat.

« Moi je veux connaître vos idées, je vous écoute. »

« Non. Au lieu de faire avancer les vingt-six virgule soixante-six soldats de front, on peut en faire passer trois en ligne. On conserve trois rangées de vingts-six virgule soixante-six et ils passent par la porte. »

« Moi je vais te faire relire tous les Parchemins de la Garde ! Il faut que les soldats couvrent le plus de surface possible lors des attaques. Avec ta soi-disante ‘solution’ on se retrouve avec une zone ridicule ! En plus, tes colonnes ne rentrent pas dans la salle alors que mes rangs si ! »

« Non, il leur suffit de se redéployer une fois dehors. »

« Moi je ne peux pas accepter une telle perte de temps ! Pour être efficace il faut être rapide. Là, on perd facilement quatre secondes par soldats ce qui revient à une perte totale de plus de cinq minutes ! C’est inacceptable, ils se feront tous tuer pendant ce temps là ! Tu sais combien de temps ça fait cinq minutes en plein combat sans rien faire ? Franchement, un peu de jugeotte ne te ferai pas de mal. Bon, Catastrophée ? »

« Hi hi hi, on peut directement se rendre à l’adversaire comme ça on n’a pas à faire sortir les soldats ? »

« Moi je vais faire comme si je n’avais rien entendu. »

« Qu’est-ce que je veux dire ?… C’est quand la formation ? »

 

Avant que Chef ne puisse sortir son épée pour laisser libre cours à sa réponse, Bouchée réapparu. Seule.

« Moi je veux savoir où est Tourette ! »

« D’ACCORD ! »

« Moi j’ai besoin de Tourette pour qu’elle me refasse ma porte ! Où est-elle ?! »

Une forme derrière le mollet gauche de Bouchée bougea et se planta devant Chef.

« Bon, j’ai pas le temps, il faut faire quoi ? »

Le petit être qui se tenait devant elle était quelque chose d’assez extraordinaire, même pour quelqu’un, comme chef, qui avait parcouru le monde et en était revenu. Tourette était une petite chose menue qui exhudait une exaspération assez phénoménale.

« Moi je vous montre la porte et mes soldats. Vous voyez bien qu’ils ne peuvent pas passer et que ça a été construit n’importe comment. »

« Bon, j’ai pas le temps et j’ai fait tester cette porte par vos services. Voilà le Parchemin de Test Numéro Quinze de la Porte de la Salle de la Garde du Palais du Royaume de Scanya. C’est un certain Manières qui l’a fait. »

« Moi j’y suis pour rien si l’équipe que me donne l’Empereur ne comprend pas ce que je lui demande ! Manières, ici ! »

Manières se dégagea d’entre six soldats qui avaient besoin qu’on les aide pour mettre leurs armures et approcha.

« Non. »

« Moi je voudrais comprendre ça. » lui balança-t-elle en même temps que le parchemin.

« Non. C’est un test pour savoir si la porte est bien en bois venu de Frantiro, qu’elle a bien été ouvragée dans la province de Gropol, que les gonds sont de la bonne dimension et que, finalement, elle a bien été posée là où elle devait l’être et qu’elle s’ouvrait bien. C’est le cas. »

« Moi je parle du fait que les soldats ne passent pas. »

« Non, c’est pas testé. »

« C’est bien ce que moi je dis, tu n’as pas testé la porte et on est dans la panade ! Bon, il ne sert à rien de trouver un quelconque coupable et de lui rejeter la faute, il faut maintenant que cette porte soit bien construite même si ça m’aurait fait gagner du temps si Manière avait bien fait son travail la première fois. Tourette, prend les dimensions de la première ligne de mes soldats et construit ma porte correctement. »

« Bon, j’ai pas le temps alors dépêchons nous. »

Et ainsi fut fait.

Il fallut sept jours et sept nuits pour reconfigurer la porte aux dimensions voulues. Ce qui ennuya fortement les barbares de Sairvyer lorsqu’ils prirent possession de Scanya car ne rencontrant aucune opposition, ils purent s’emparer du Royaume comme un ourson d’un pot de miel laissé à l’abandon. Ils furent ennuyés au point tel qu’ils décidèrent de faire marche arrière et de laisser Scanya à l’Empire : ils ne voulaient pas d’un endroit où les portes étaient plus larges que les murs.

Messire Médocain fut promu grâce à cette victoire éclatante.


Moi, by Queneau.


C’était à cinq o’clock qu’il sortait la marquise

Pour déplaire au profane aussi bien qu’aux idiots

Il se penche et alors à sa grande surprise

Des narcisses on cueille ou bien on est des veaux

 

On était bien surpris par cette plaine grise

Quand se carbonisait la fureur des châteaux

Il grelottait le pauvre aux bord de la Tamise

A tous n’est pas donné d’aimer les chocs verbaux

 

Le brave a beau crier « Ah cré non, saperlotte »

Le touriste à Florence : ignoble charibotte

Lorsque Socrate mort passait pour un lutin

 

Frère je te comprends si parfois tu débloques

On mettait sans façon ses plus infectes loques

Le Beaune et le Chianti sont-ils le même vin ?



Poème personnel à partir de Cent Mille Milliards de Poèmes de Raymond Queneau.

Créé par Machines à écrire chez Gallimard Multimédia.